Exposition

Portraits de sols

Une évocation à travers 7 lieux la circulation des flux - entre la terre et l'eau, entre le végétal et le minéral, entre la nature et l'homme - de  ce qui façonne, nourrit, ou abîme cette chose complexe, extrêmement mouvante et vivante que nous appelons sol.
Série réalisée en partenariat avec FNE 04 à Digne les Bains  dans le cadre de "L'Appel du sol"

1 – EXTRACTION : Dans le hameau de Champourcin , sur les plaques des rues on lit la présence du gypse, et dans le paysage, ici et là, des traces blanches. Des vestiges d'une mer qui coulait là et y a déposé des cristaux salins, limons et marnes, sables et argiles, silice et calcaire. Une superposition de vagues colorées, des bouquets d'aphyllantes qui retiennent le sol sec, et une ligne qui part, avec les minéraux.

2 – RECONQUETE : Au milieu de la vallée des Eaux Chaudes on trouve un site dit des « Terres noires ». C'est un vaste champ de marnes arides, dans les creux desquelles se sont nichées quelques pionnières aux longues racines ; elles forment des rosettes, un brin d'ombre, un humus léger, ou viennent s'installer une à une d'autres plantes, jusqu'à reconstituer un tapis végétal .« Terre noire » c'est aussi le nom d'un sol humique tellement riche en matière organique qu'il peut refertiliser une terre appauvrie.

3 – CIRCULATION : Vallée de l'Asse, La Tuillière : la rivière borde la route mais bouge dans son lit . Elle a brassé d'énormes pouddings couleur chair, aujourd'hui elle façonne des plages, des zones spongieuses, des prairies. Tout circule à la surface , et aussi à l'intérieur de la terre, à travers les horizons du sol, de haut en bas, de bas en haut, le long des racines : une vie microscopique s'organise avec l'eau et l'air ; si elle se heurte à l'acier, au béton, elle meurt et ne retient plus rien.

4 – ALLUVIONS : Dans la vallée du Bès en passant par Esclangon, c'est une histoire ancienne de formation des îles qui se raconte et se renouvelle. Avec les pluies, l'eau dévale la montagne et l'emporte dans le creux d'une rivière grise, roulant les cailloux, fractionnant les graviers, déposant peu à peu dans des anses plus calmes minuscules fragments et troncs d'arbres  ; dans les retenues, une graine pousse puis une autre. Des bestioles s'installent entre les racines plongeantes. Sur les bords, d'anciens coquillages dorment sous les sédiments.

5 – LESSIVAGE : Autour de Barrême, au milieu d'un paysage plutôt verdoyant s'ouvrent comme des fractures, des trous dans la couverture végétale, comme d'anciennes blessures ou la terre paraît rouge, des pentes ou le sol paraît brulé au pied de quelques pins : c'est grumeleux comme de l'humus mais cela ne sent rien, cela ne tient plus, c'est vide, acide, sans vie. C'est parti avec les arbres sur de grands camions jusqu'à la mer, c'est parti dans l'air en fumée odorante, c'est parti dans le ventre des animaux, avec le feu et l'eau.

6 – CREATION : Avant Verdaches, sous les arbres, la vallée est étroite et humide entre des parois carrées aux pieds noir charbon, témoins des grands cycle de constitution des sols .

 « De la Roche Mère à la Forêt Carbone »  Du ciel vers la terre, les plissements brossés par l'eau et l'air, le minéral de plus en plus fin. De bas en haut , la roche mangée par les mousses, et les plantes de plus en plus fortes. Les racines étendent leur filet, organisent et élèvent des arbres de plus en plus hauts.De haut en bas les feuilles tombent , s'accumulent, se décomposent, le sol brunit et grouille d'une vie de plus en plus forte, et par vagues ré-enfouie en nappes sombres .

7 - NOURRITURES TERRESTRES : Au dessus de Saint Lions, la crête est bordée d'un mouchetis de pins noirs qui descend avec hésitation entre les ravinements ; elle se dresse comme une vague et prête à glisser, à peine retenue par une forêt tellement dépouillée qu'elle en est tranparente, par endroits elle tombe et s'effondre dans les collines marneuses qui la soutiennent à peine, ouvrant une blessure d'argile rose et grise comme un cœur. « Restaurer la montagne … restaurer les sols » En haut, des plantations, en bas dans les fermes, des renforts : on a sorti des étables les monceaux de fumier, des brassées de paille dorées ; la terre se remplit de minsuscules couleurs et en devient noire, lourde, devient jaune moutarde dans les champs, devient grasse, devient verte, et repart en chantant.